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La vie secrète de la cigale par Antoinette Vonlanthen* :
L'été allant lentement sur sa fin, la cigale, la petite cigale, la diva de la Méditerranée, ayant chanté à cœur joie toute la saison, va bientôt se taire.
Sur l'autoroute des vacances, le chant des cigales marque la frontière entre la Provence et le reste, d'où que l'on arrive. Les cigales sont le point de repère de cette région si attachante. Un des proverbes des provençaux dit : « Fai pas bon travaia quand la cigalo canta » (il ne fait pas bon travailler quand la cigale chante), car le plus souvent on l'entend au plus fort de la chaleur.
Des milliers d'espèces
Si on parle de « la » cigale, il faudrait rectifier cette habitude, car la France en compte pas moins de 16 espèces différentes, tandis que plus de 4'500 autres habitent l'ensemble des pays méditerranéens et tropicaux. Notre savoir sur les cigales demeure souvent incomplet et empreint d'un certain mystère. Et pour cause: quel que soit leur habitat, on entend les cigales plus qu'on ne les voit. Rares sont ceux qui peuvent se vanter d'en avoir attrapé ! Les couleurs des cigales s'apparentent aux végétaux et, malgré leurs extravagantes sonorités, elles passent la plupart du temps inaperçues. Par ailleurs, avant de devenir les reines du soleil, telles que nous les connaissons, elles mènent une existence très longue sous terre.
L'existence secrète des cigales
Les cigales naissent au creux d'un rameau mince et sec. La femelle y perce une série de trous minuscules qui servent de couveuse à sa progéniture, qui compte environ 300 à 400 oeufs. Trois mois plus tard, des créatures miniatures éclosent. Elles se laissent tomber sur le sol, qu'elles creusent, et s'enfoncent jusqu'à 80 cm de profondeur (voire plus parfois !) afin de gagner leur douce retraite solitaire. La phase souterraine exige un minimum de deux ans. Les larves vivent isolées dans de petits terriers qu'elles construisent à l'aide d'un génial dispositif d'excavation : deux pattes aptes à creuser et pelleter, et deux autres qui servent de béquilles et de « pattes pousseuses ». Là, elles se nourrissent de la sève des racines grâce à un puissant suçoir. Au cours de cette période, elles effectuent quatre changements de peau, au terme desquels elles sont prêtes à savourer la nouvelle vie aérienne qui leur est promise.
Renaissance
Il reste aux nouvelles cigales une difficile métamorphose à accomplir: un exercice des plus délicats, qu'elles doivent réaliser sans erreur, sans quoi elles mourront prisonnières de leur vieille peau. À peine sorties du terrier, les larves s'agrippent à une tige et se débarrassent de leur gaine larvaire. Dès lors, elles sont sans défense, incapables de bouger: fourmis et guêpes en profitent souvent pour les attaquer et les disséquer à loisir. L'instant est donc fatidique pour cette renaissance. La larve exerce une pression sur son dos, qui craque. Bientôt apparaît la nouvelle cigale toute verte, semblable à un bourgeon qui éclôt, avec ses ailes froissées se déployant comme des pétales.
Métamorphose réussie !
Dans trois heures, la cigale ailée sera radicalement plus foncée, noire, verte ou grise, selon son espèce. Le nouvel insecte est désormais cigale parmi les cigales. Il mesure entre 1,3 et 3,5 cm. Sa lourdeur apparente est allégée par ses ailes diaphanes disposées en toit au-dessus du corps. La cigale possède encore le suçoir, cet appareil piqueur-suceur, très pratique pour supporter la canicule des étés méridionaux. À présent, les chants de centaines de cigales ont repris. La nouvelle venue s'élance au grand air en vue de mener l'existence tapageuse et passionnée tant attendue. Mais son passage à l'air libre sera éphémère, tout au plus deux mois de liberté, le temps d'un seul été. Dès les premiers froids automnaux, la cigale mourra. Elle va donc vivre pleinement son unique été, dans un excès de soleil, de boissons sirupeuses (elle ne se délecte que de sève) et de chants euphoriques. Du reste, il semble que leur chant n'en soit pas tout à fait un...
Les cymbales des mâles
Pourquoi autant de bruit chez les cigales ? Pour conter fleurette aux belles. Les mâles sont les seuls à posséder un appareil sonore spécifique, d'ailleurs unique en son genre. Cet instrument se compose de ce qu'on appelle des cymbales, d'où le nom de cymbalisation donné officiellement au « chant » de ces insectes homoptères dans la terminologie scientifique. D'ailleurs, pour les savants entomologistes, la cigale est avant tout musicienne plutôt que chanteuse puisque son corps est doté d'un véritable instrument de musique. Le mâle dispose d'une gamme complète de signaux propres à son espèce. Celui que nous entendons généralement est l'appel nuptial, que les femelles paraissent apprécier, au point de faire durer la « sérénade » pendant des heures avant de rejoindre le galant. Quant l'été touche à sa fin, les dernières cigales meurent, laissant derrière elles la descendance qui vraisemblablement animera les prochaines périodes estivales.
Mais la sonnette d'alarme est tirée. Ces insectes si chers à la Méditerranée pourraient bien disparaître, souligne Michel Boulard, entomologiste spécialiste des cigales.
La vigne, qui s'étale sur les coteaux, et les incendies criminels sont les principales causes de leur disparition. Il faudrait, selon le spécialiste, que soient créées des réserves municipales et départementales sans quoi « nos grandes cigales vont disparaître. »
Source: Pays de Provence, Côte d'Azur, juillet-août 1999.
*Cette belle description de la cigale nous a aimablement été mis à disposition par l'artiste peintre Antoinette Vonlanthen dont nous vous recommandons la visite de ses œuvres au lien ci-dessous.
La cigale en sciences humaines et littérature :
En France, on l'associe couramment au folklore de Provence et des pays méditerranéens (quelques espèces remontent pourtant jusqu'en Alsace et au Bassin parisien).
Insecte estival par excellence (au moins dans les pays tempérés), la cigale a évoqué l'insouciance depuis l'Antiquité, et le fabuliste Ésope en a fait l'héroïne d'une de ses fables, La Cigale et la Fourmi.
Jean de La Fontaine reprit cette fable dans son recueil deux millénaires plus tard : La Cigale et la Fourmi est tellement connue et étudiée qu'elle est devenue un symbole de ce genre littéraire :
La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.
La cigale n'a pas de lien direct avec la vigne dont elle n'est as vraiment un prédateur. Mais vigne et cigale rendent à merveille l'image du Midi, de la chaleur que toutes deux apprécient.
Relevons sur la rive droite du Rhône au coude de Martigny, qu'il fait toujours très chaud sur tous les coteaux, en particulier à cette réserve nommée Les Follatères. Au cœur de l'été, ces endroits privilégiés retentissent du chant des cigales. L'espèce qui donne ce concert parfois assourdissant entre les Follatères et Finges, mais surtout dans les chênaies près de Mazembroz, est la cigale de l'Orne, appelée aussi cigale grise. Elle se distingue avant tout par les onze points brun noirâtre qui garnissent ses ailes.
C'est également en ces lieux arides et pierreux que vivent plusieurs sortes de criquets aux mœurs silencieuses et discrètes tels, entre autres, les œdipodes aux ailes rouge vif, bleu turquoise ou bleu clair, ainsi que le criquet italien qui lui déploie des ailes roses.
Comme quoi, les coteaux valaisans peuvent bien nous offrir chaque année d'excellents millésimes.